Cette problématique peut paraître surprenante mais reste révélatrice de la prise de conscience par l’Afrique des enjeux économiques liés à son développement
La vulgarisation et la promotion, en Afrique, des normes comptables internationales IFRS/IAS s’imposent comme une nécessité dans un contexte économique mondial libéralisé, où seules les entreprises compétitives tireront leur épingle du jeu.
I. LES ENJEUX D’APPLICATION DES NORMES IFRS EN AFRIQUE
A. Présentation des normes IFRS/IAS
Les normes IFRS servent à standardiser la présentation des données comptables échangées au niveau international. Elles sont obligatoires pour les comptes consolidés des entreprises cotées et optionnelles pour les entreprises non cotées et pour les comptes statutaires.
Depuis 2005 elles succèdent progressivement aux normes IAS qui ne correspondaient plus à l’évolution des marchés, des pratiques commerciales communes et de la conjoncture économique. Il est important de préciser que toutes les normes IAS n’ont pas encore été remplacées par les normes IFRS et donc restent toujours applicables. Un planning fixé par la fondation IFRS prévoit des entrées en vigueur de certaines normes IFRS dans les années à venir. Les organisations assujettis à ces nouvelles normes travaillent à se mettre en conformité.

B. La mondialisation des normes IFRS, un enjeu essentiel
Afin de garantir la mondialisation du modèle comptable harmonisé IFRS, l’IFRS fondation s’est tournée vers les autres pays du monde. Et l’Afrique n’a pas d’autre choix que de s’y conformer. Depuis lors, Deux enjeux majeurs caractérisent ce référentiel international : D’une part, celle de la convenance des normes internationales aux pays en voie de développement en général et en Afrique en particulier, et d’autre part, celle de l’opportunité offerte de revisiter ces normes comptables internationales. L’évidence à cette problématique demeure qu’aucun pays du monde ne peut échapper à la logique de l’interconnexion des marchés.
La convergence IFRS/SYSCOHADA permettrait à l’Afrique de se doter d’un outil moderne de gestion des entreprises et d’une ouverture de son économie et à l'internationalisation des marchés. Il y a une véritable nécessité d’universaliser les principes comptables afin de faciliter l’accès des sociétés aux places financières internationales et d’augmenter l’attractivité de l’Afrique. Comme le souligne J.Greling « Heureuses les sociétés appliquant les bons principes comptables internationaux, le royaume des marchés sera à elles ».
I. L’ADOPTION DES NORMES IFRS DANS L’ESPACE OHADA.
A. Rôle de l’acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière OHADA sur l’adoption des normes IFRS
Cet acte uniforme OHADA instaure le Système comptable des Etats d’Afrique membres de l’espace OHADA (Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires). Ce système comptable est appelé SYSCOHADA (SYStème COmptable OHADA).
Cet acte uniforme OHADA précise les conditions d’application des normes IFRS. Son Article 8 mentionne que « Les entités dont les titres sont inscrits à une bourse de- valeurs et celles qui sollicitent un financement dans le cadre d'un appel public à l'épargne, doivent établir et présenter les états financiers annuels selon les nonnes internationales d'informations financières appelées nonnes IFRS, en su » des états financiers visés aux alinéas précédents.
Ces conditions s’appliquent pour leurs comptes consolidés depuis le 1er janvier 2019.
B. Rôle de la Fondation IFRS dans l’application des normes IFRS dans le SYSCOHADA
L’IFRS fondation est l’instance en charge de l’élaboration des normes IFRS mais également de l’évaluation de ses applications dans le monde entier à travers une liste de référentiel pays.
La Fondation IFRS a publié sur son site internet le profil de 166 pays représentant 99% du PIB mondial avec l’état d’application des normes IFRS associés.
· 144 (87%) d’entre aux exigent et rendent obligatoire l'utilisation des normes IFRS
· 12 autres pays les autorisent sans les rendre obligatoire.
· 86 des 166 pays appliquent les normes dédiées aux PME depuis 2009.
Le 29 janvier 2018, la Fondation IFRS a mis à jour le référentiel pays des profils IFRS de 17 pays africains pour anticiper leur adoption des normes IFRS.
III. PAINS POINTS DANS L’APPLICATION DES NORMES IFRS DANS L’ESPACE OHADA.
L’application des normes IFRS en Afrique relève des différences importantes. On peut citer les cas de présentation des états financiers, des principes de prudence, d’interprétation d’actif du bilan et surtout d’adaptation aux réalités africaines.
A. Présentation des états financiers
==>Les normes IAS/IFRS n’imposent pas de format de présentation des états financiers. Le choix du format est libre mais le contenu est imposé et doit contenir :
· un bilan;
· un compte de résultat;
· un tableau de variation des capitaux propres;
· un tableau de flux de trésorerie
· les notes annexes. Deux types de notes annexes doivent être présentés : des notes annexes pour chaque norme et des notes annexes pour des informations sectorielles. ==>Les états financiers du Système Comptable OHADA sont présentés selon des formats réglementés: Le cadre conceptuel SYSCOHADA prévoit trois systèmes d’établissement des états financiers en fonction de la taille et du secteur d’activités de l’entreprise :
· Les états financiers du premier système doivent contenir : un bilan, un compte de résultat, un tableau financier des ressources et des emplois, un état annexé et les notes annexes pour les informations significatives.
· Les états financiers du deuxième système doivent contenir : un bilan, un compte de résultat, un état annexé et les notes annexes pour les informations significatives.
· Les états financiers du troisième système se résument à l’établissement d’un état des recettes et des dépenses dégageant le résultat de l’exercice.
B. Difficultés d’application du principe de prudence
Le principe de prudence est utilisé dans les deux systèmes. Et qui néanmoins, s’applique différemment. Selon la normalisation OHADA, l’amortissement des immobilisations incorporelles n’est pas systématique. Certains éléments dont la dépréciation ne se fait pas de façon systématique et évidente et où la durée de vie n’est pas déterminée ne font l’objet d’aucun amortissement tel que la marque, le brevet, la licence, le fonds de commerce, etc.
L’IAS 38 en revanche, exige un amortissement systématique de toutes les immobilisations incorporelles sur une durée de vie maximale de 20 ans. Tandis que la marque peut au cours d’une période de temps déterminée prendre de la valeur en fonction de sa notoriété, de son image à elle donnée par l’entreprise et de la perception de cette image par le public. Si l’image perçue est bonne, elle contribue à accroître la valeur de la marque et par la même occasion le fonds commercial de l’entreprise. Dans ce genre de cas l’amortissement systématique n’a aucun sens. Le test systématique de la dépréciation des immobilisations et la distinction entre la perte de valeur due à l’utilisation et celle liée à d’autres facteurs, sont des éléments qui renforcent le niveau de prudence des normes internationales.
C. Les divergences d’interprétation sur l'actif du bilan.
Le cadre conceptuel de l'IASB définit l'actif comme étant des bénéfices économiques futurs attendus tandis que le SYSCOHADA définit l'actif comme étant des bénéfices économiques futurs probables.
D. Difficultés d’adaptation aux réalités des économies africaines très orientées PME
Selon le site focus.ifrs, l’IFRS pour les PME répond à une forte demande au niveau international, exprimée à la fois par les économies émergentes et par les pays développés, pour un jeu commun et rigoureux de normes comptables pour les plus petites et moyennes entreprises, qui soit plus simple que le référentiel actuel full IFRS. Cela étant ces normes seront difficilement applicables sur un continent ou les structures les plus représentatifs de l’économie sont informelles ou les TP/PME.
Pour certains experts comptables et praticiens de droit, il est peut-être temps aux réalités des économies africaines de changer. Elles ne doivent pas empêcher de changer et surtout de vivre avec son temps. D’ailleurs, la création ces dernières années des bourses de valeurs (DSE, BRVM) et les difficultés de financement local des investissements de croissance des entreprises obligent l’OHADA à donner un nouveau visage à la comptabilité dans les pays membres et la normalisation internationale est naturellement bien placée pour servir de cadre de référence à ce changement.
Eddy Styvelia LOCKO
VALAURIS CONSULTING AFRICA
Consultante Comptable
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