
Dans ce contexte de mondialisation et d’ouverture des économies nationales à la concurrence, les Etats parties se sont dotés d’un système comptable, solide en conformité avec le cadre réglementaire et juridique pour harmoniser les bonnes pratiques et améliorer le climat des affaires et renforcer de façon consécutive l’attractivité de l’espace OHADA.
Le premier reproche fait au droit OAHDA est sa forte proximité avec le droit français. Pour beaucoup d’expert, il ne s’agit que d’une excroissance du droit français.
On peut opposer à cette remarque un 1er fait : Effectivement ce droit, a effectivement puisé une grande partie de son inspiration dans le droit français, et se trouve être en quelque sorte l’héritier d’une tradition juridique qui a elle-même servi de référence à beaucoup de systèmes juridiques dans le Monde. Le droit de l’OHADA a su tirer le meilleur de cet héritage, à savoir la logique générale, la structure conceptuelle et la technique rédactionnelle, toutes choses qui ont fait le succès du droit français. Le législateur OHADA a cependant su, dans la plupart des cas, apporter des solutions innovantes, dont certaines ont anticipé des évolutions ultérieures du droit français lui-même.
Pour beaucoup, il semble le moment de faire un bilan d’étape sur sa pertinence. Cela suppose de faire un état des lieux (II) avant d’avancer les éléments qui plaident en ce sens (III). Mais il serait plus intéressant de faire un focus sur des éléments de cartographie généraux du SYSCOHADA pour nous immerger dans le sujet (I).
I. ELEMENTS DE CARTOGRAPHIE GENERAUX SYSCOHADA : IMMERSION DANS LE SYSTEME COMPTABLE OHADA

II. ETAT DES LIEUX SYSCOHADA
A l’occasion du dixième anniversaire de la signature de l’Acte OHADA sur le droit comptable, il paraît pertinent de faire un état des lieux de la normalisation comptable africaine dans la zone OHADA et d’envisager son devenir à la lumière de l’évolution de l’environnement réglementaire international, et notamment de la convergence vers les normes IFRS.
Dès sa publication, le système comptable SYSCOA / SYSCOHADA est apparu très novateur pour trois raisons :
- Il constituait une vraie rupture avec la réglementation comptable OCAM en vigueur,
- Il harmonisait le droit comptable dans 16 pays africains,
- Il prenait des positions originales sur certains sujets comptables.
Le plan OCAM appartenant à l'école comptable continentale (qu’on distingue traditionnellement de l‘école anglo-saxonne) se caractérisait par :
- Une nomenclature des comptes (plan comptable) ;
- Une codification décimale ;
- Une distinction comptabilité générale /comptabilité analytique ;
- Une classification des charges et des produits par nature.
Ce plan ne comportait pas de principes comptables de base, de règles d'évaluation des biens et de détermination du résultat.
Sur le plan général, pour reprendre le jugement de Patrick Pintaux, « l’expérience du plan comptable SYSCOA est intéressante sur le plan conceptuel, car elle montre comment un modèle comptable basé sur une nomenclature comptable peut combiner la finalité statistique de comptabilité nationale propre à tout plan comptable “à la française” et l’influence anglo-saxonne par les biais des normes IFRS (ex-IASC) ».
Parmi les avancées comptables introduites par l’Acte comptable OHADA, on peut citer :
· La combinaison et consolidation des comptes,
· La comptabilisation des opérations de crédit-bail,
· Le traitement des effets escomptés non échus,
· La comptabilisation du personnel extérieur,
· Une approche économique au détriment de la vision fiscale traditionnelle dans la région,
· L’introduction du concept de la prééminence de la réalité économique sur la forme juridique : le principe “substance over form”,
· Un début de convergence vers les normes IFRS (coût des emprunts) qui, à l’époque, ne s’étaient pas imposées à l’international.
III. LE FAISCEAU D’INDICES D’UNE OBSOLENCE DU SYSCOHADA
Le faisceau d’indices est plus que pertinent et portent sur les éléments ci-dessous
1- Une structure figée
Le constat effectué après dix ans de fonctionnement du cadre comptable OHADA est qu’il y’a une absence d’évolution. Les normes sont restées identiques et les lacunes apparues au fil des ans n’ont pas trouvé remède. Ainsi, l’absence de normes sectorielles se fait cruellement sentir. Alors que les économies de la région sont fortement spécialisées (agro-industries, mines, pétrole…), l’OHADA n’a rien à dire sur ces sujets et les professionnels comptables doivent se référer à d’autres normes lorsqu’elles existent. Les institutions OHADA manquent par ailleurs de réactivité et il n’est que de rappeler leur silence assourdissant lors de la crise financière de 2008 alors que certains opérateurs économiques de la zone ont été sérieusement touchés. De plus, la question de la non-application ou de la mauvaise application de certaines normes n’a pas été traitée. Comme par exemple les normes relatives à la consolidation ou celle sur le personnel extérieur ou l’état annexé.
2- Les Problèmes de gouvernance
Les institutions OHADA ont clairement un problème de gouvernance, surtout au niveau des instances chargées de la normalisation comptable. C’est en décembre 2008 que le règlement instituant une Commission de normalisation comptable (CNC-OHADA) a été adopté auprès du secrétariat permanent par le Conseil des Ministres de l’OHADA.
Cependant, cela n’a jamais véritablement fonctionné. Ce cadre normatif particulièrement lourd du fait de la coexistence des trois niveaux (national, communautaire et régional) constitue sans doute un facteur d’inefficacité.
Le rapport sur l’application des normes et codes du Sénégal constatait la nécessité de mise à jour du référentiel comptable SYSCOA et préconisait de « confier la responsabilité à un organe technique qui est, soit rattaché à l’autorité politique nationale ou communautaire, soit autonome ».
Au niveau de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), il n’existe pas, à notre connaissance, de dispositif normatif similaire.
3- Perte de son identité face aux normes IFRS
Il est évident que les normes IFRS vont progressivement s’imposer pour les sociétés cotées (Abidjan, Libreville, Douala), ne serait-ce que par besoin de comparaison à l’international. Il est donc peu probable que les investisseurs se satisfassent de la coexistence de plusieurs référentiels comptables en matière boursière, en particulier lorsque le mouvement de convergence IFRS / US Gaap sera achevé.
Face au déficit de gouvernance des institutions de l’OHADA et au manque d’organisation dont souffre la profession comptable dans l’espace OHADA (Klutsch et Nguéma 2010), le SYSCOHADA devait inévitablement connaître une certaine obsolescence. C’est le 15 février 2017, soit dix-sept ans plus tard, que le nouveau SYSCOHADA révisé sera adopté, et rentrera en vigueur le 1er janvier 2018 pour les comptes personnels des entités et le 1er janvier 2019 pour les comptes consolidés. Ce nouveau SYSCOHADA, bien que fidèle aux principes de l’école Europe-continentale, confirme la démarche de son prédécesseur, à savoir l’ouverture aux principes de l’école anglo-saxonne. Il se démarque de celui-ci dans la mesure où, il adopte de nouvelles normes comptables d’évaluation et de présentation des états financiers, inspirées des normes IAS/IFRS.
Dans la mesure où la normalisation comptable d’Afrique francophone tend ainsi à évoluer vers les normes anglo-saxonnes, la question de l’alignement ou de la convergence des normes comptables en vigueur dans l’espace OHADA, vers les normes anglo-saxonnes a été abordée par la recherche normative. Bien évidemment, le mot convergence signifie rapprochement entre les deux systèmes par la voie d’échanges conceptuels et techniques, et s’oppose à l’alignement d’un système sur l’autre. En effet, si certaines considèrent que l’harmonisation entre le SYSCOHADA et les normes IFRS est une exigence (Klutsch et Nguéma 2010 ; Feudjo 2010), d’autres voient en lui, un modèle comptable qui réconcilie les écoles d’Europe continentale et anglo-saxonne de la comptabilité (Gouadain 2000 ; Colasse 2009 ; Ngantchou 2011). Il parait donc pertinent de faire un état des lieux de l’évolution de la normalisation comptable dans l’espace OHADA, suite à l’entrée en vigueur du SYSCOHADA révisé.
4- Le manque de structuration de la profession comptable en zone OHADA
La profession comptable dans la région OHADA (cabinets comptables, enseignants et ordres nationaux des experts-comptables) souffre d’un manque d’organisation. Elle semble moins préoccupée par l’évolution du référentiel comptable OHADA que par les actions à mener en matière de formation, mise en place de code d’éthique, contrôle qualité, exercice illégal de la profession etc. Il est vrai que certaines instances professionnelles sont parfois peu actives voire inexistantes dans certains pays. Notons toutefois que la création d’ordres des experts-comptables en cours dans certains pays de la région (Gabon, Congo) marque une évolution incontestable et beaucoup de professionnels sont conscients des enjeux.
Ces faiblesses, couplées au poids croissant des normes IFRS dans le monde et à l’importance des groupes internationaux dans les économies de la région OHADA font que, peu à peu, le droit comptable OHADA est frappé d’obsolescence.
C0NCLUSION
Cet état des lieux et le faisceau d’indice des éléments d’obsolescence du sysohada, nous amène à nous interroger sur le devenir de la réglementation comptable Ohada. Pour certains, la disparition pure et simple de ce droit comptable au profit des normes IFRS est une issue qu’on ne peut aujourd’hui exclure d’emblée. Cette évolution poserait de nombreux problèmes qui ne sont pas propres aux pays de l’espace Ohada. L’Union européenne y est également confrontée.
Parmi les principaux inconvénients à cette évolution, on peut noter :
· Une perte de souveraineté : les normes IFRS sont élaborées par l’International Accounting Standards Board (IASB), un organisme privé indépendant basé à Londres créé en 1973 par les instituts comptables de dix pays. Cette structure est sous la tutelle de l’IASCF (International Accounting Standards Committee Foundation) créé en février 2001. L'IASCF est composée de vingt-deux membres appelés trustees dont un seul représentant du continent africain, Jeff van Rooyen, un SudAfricain qui a dirigé le régulateur des marchés financiers non bancaires (South African Financial Services Board).
· Le coût financier d’un tel changement de référentiel comptable alors que l’espace Ohada a déjà supporté le coût du passage OCAM / Ohada en 1998 pour les pays de l’UEMOA et 2001 pour ceux de la CEMAC.
· La complexité de normes fondées sur des principes qui nécessitent souvent de recourir au ”jugement” du préparateur de comptes et qui donc s’avère mal adaptées aux entreprises de petite et moyenne taille. La publication en juillet 2009 de la norme IFRS pour les PME, non sans difficultés, a quelque peu tempéré ce jugement mais le référentiel Ohada offre, du point de vue des PME, de nombreux avantages dont pourraient s’inspirer les normes IFRS PME.
· Des normes comptables parfois imprécises, avec de nombreuses options et en perpétuelle évolution (à noter toutefois que les normes IFRS PME prévoient une mise à jour tous les trois ans).
· Un impact fiscal sans doute significatif quoique difficile à cerner faute d’études sur le sujet.
Si l’adoption des normes IFRS n’est pas souhaitable, l’influence de celles-ci ne doit pas être négligée et une évolution de la normalisation comptable Ohada nous paraît inéluctable.
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En attendant nous vous souhaitant bonne lecture.
Eddy Styvelia LOCKO
VALAURIS CONSULTING AFRICA
Consultante Comptable
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